Depuis lundi, la cour d'assises spécialement composée de Paris accueille le procès en appel de Mohamed Lamine Aberouz, jugé pour complicité dans l'assassinat du couple de policiers à Magnanville, perpétré en juin 2016 au nom de l'État islamique. Ce procès, qui s'annonce comme un moment clé pour la justice française, ravive une plaie profonde pour les familles des victimes et pour la société tout entière.
Le 13 juin 2016, Jessica Schneider, 36 ans, est égorgée devant son fils de trois ans à son domicile de Magnanville (Yvelines), tandis que son compagnon, Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, est poignardé à mort peu après. Les faits, commis par Larossi Abballa – ami d'enfance de l'accusé et terroriste islamiste –, ont été filmés et diffusés en direct sur Facebook, marquant durablement l'opinion publique et la communauté policière.
Larossi Abballa a été abattu lors de l'assaut du RAID pour libérer l'enfant retenu en otage. Jessica Schneider travaillait comme secrétaire administrative au commissariat de Mantes-la-Jolie. Jean-Baptiste Salvaing était commandant de police au commissariat des Mureaux.
Mohamed Lamine Aberouz, aujourd'hui âgé de 31 ans, a été condamné en première instance en octobre 2023 à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, pour complicité d'assassinats terroristes sur personnes dépositaires de l'autorité publique. Il clame son innocence depuis le début de l'enquête, affirmant n'avoir aucun lien avec l'attentat et n'avoir jamais été présent sur les lieux le soir des faits. « Le seul coupable, c'est Larossi Abballa », a-t-il répété à la barre.
Mohamed Lamine Aberouz habitait à Mantes-la-Jolie au moment des faits. Concernant ses antécédents judiciaires, il était déjà connu de la justice : il avait été condamné en 2013 à trois ans de prison, dont six mois avec sursis, pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Le jugement précisait qu'il était « candidat à un départ pour mener le djihad armé, d'abord au Pakistan puis en Tunisie » et qu'il envisageait même de commettre des actes violents sur le territoire national.
Durant sa détention, il s'était radicalisé selon les services de renseignement pénitentiaire, et à sa libération, il faisait l'objet d'une surveillance (écoutes, fiche S).
L'élément central du procès reste la trace ADN de l'accusé retrouvée sur l'ordinateur du couple. Pour l'accusation, cette trace est « claire et nette, localisée à un endroit cohérent avec sa participation ». La défense, elle, soutient la thèse d'un « transfert » d'ADN via la voiture de Larossi Abballa, où des traces génétiques de l'accusé ont également été retrouvées.
Cette hypothèse, jugée « peu probable » mais non totalement exclue par les experts, alimente les débats sur la présence réelle de Mohamed Lamine Aberouz sur la scène du crime.
Le procès, qui doit durer jusqu'au 20 juin, est marqué par une forte tension entre les parties. D'un côté, les familles des victimes espèrent la confirmation de la condamnation, estimant que l'accusé est « un des islamistes français les plus dangereux ». De l'autre, la défense plaide l'acquittement, dénonçant une possible erreur judiciaire et l'absence de preuves formelles de la présence de leur client lors des faits.
Le fils du couple, aujourd'hui adolescent, reste un témoin-clé, même si ses déclarations sur la présence d'une éventuelle seconde personne restent floues. « L'enfant n'a pas donné de précisions sur la deuxième personne, si elle était sur un écran ou si c'était une personne physique », a expliqué sa tante à la barre.
Larossi Abballa, avant d'être abattu par le RAID, était un jeune homme de 25 ans, né à Meulan, connu des services de police pour de nombreux faits de droit commun (vol, recel, violences). Il était décrit comme un jeune homme influençable, ayant longtemps été un adolescent chétif et à vif, avant de se radicaliser progressivement.
Il avait déjà été condamné en 2013 à trois ans de prison, dont six mois avec sursis, pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes ». Cette condamnation faisait suite à son implication dans une filière djihadiste, où il avait recruté et endoctriné des candidats au djihad, participé à des entraînements physiques et religieux, et manifesté un intérêt marqué pour partir combattre dans la zone tribale entre le Pakistan et l'Afghanistan.
Larossi Abballa s'était également fait remarquer par sa radicalisation croissante, affichant des opinions extrémistes et consommant de la propagande jihadiste. Dans les mois précédant l'attentat, il avait arrêté son petit commerce de vente de sandwiches, passait ses nuits avec d'autres individus radicalisés, et utilisait des applications cryptées pour communiquer autour du djihad. Son entourage familial avait tenté, en vain, de l'éloigner de ses fréquentations à risque.