À moins de six mois du premier tour des élections municipales programmé le 15 mars prochain, un phénomène d'attentisme s'observe dans les Yvelines. Contrairement aux habitudes politiques où les candidatures se déclarent généralement plus tôt, de nombreux maires sortant tardent à annoncer leurs intentions, révélant une crise profonde de l'engagement municipal dans le département.
Les chiffres nationaux confirment cette tendance inquiétante. Selon une étude du Cevipof auprès de 5 200 maires, seuls 42% d'entre eux envisageaient de se représenter en avril 2025, tandis que 30% demeuraient indécis. Cette hésitation s'explique par plusieurs facteurs structurels qui touchent particulièrement les élus yvelinois.
La surcharge administrative constitue l'une des principales causes de cette lassitude. « Aujourd'hui sur demande aux maires d'être compétents sur tous les sujets techniques, sociaux », expliquait Marie-Hélène Aubert, l'ancienne maire de Jouy-en-Josas, dans une interview télévisée après sa démission. Elle poursuivait : « L'État nous met aussi beaucoup de pression, tout ce qui nous demande beaucoup plus d'administratif, beaucoup plus de normes. On se dit mais où est la simplification ? »
Cette réalité se vérifie dans le département où les maires font face à des exigences croissantes tout en gérant des contraintes budgétaires. Plus de 83% des maires interrogés lors d’une enquête nationale estiment que leur mandat est « usant pour leur santé », un constat qui trouve un écho particulier dans le département francilien.
Plusieurs personnalités politiques yvelinoises ont déjà annoncé leur intention de ne pas se représenter, illustrant cette crise des vocations. À Condé-sur-Vesgre, Josette Jean, âgée de 80 ans, ne sollicitera pas un nouveau mandat. Conseillère départementale du canton de Bonnières-sur-Seine, elle incarne ces élus de terrain qui ont consacré leur vie au service public mais arrivent au terme de leur engagement.
Yann Scotte, maire d'Hardricourt depuis 2014, a également laissé entendre lors de sa cérémonie des vœux de janvier 2025 qu'il s'agissait de son « avant-dernière cérémonie » avant la fin de sa mandature. Depuis, il a confirmé la fin de ses fonctions en mars prochain, présentant en même temps la personne qu’il souhaite voir lui succéder.
Au Pecq, Laurence Bernard, maire depuis 2013 et réélue en 2020, n'a pas encore officialisé ses intentions mais la vice-présidente de la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine a clairement laissé entendre qu’elle rendra son écharpe au printemps prochain.
Plus préoccupant encore, certains maires yvelinois ont préféré démissionner avant même la fin de leur mandat, incapables de tenir jusqu'aux échéances électorales de 2026. Le cas de Marie-Hélène Aubert à Jouy-en-Josas illustre parfaitement cette détresse des élus locaux.
En mars 2025, après cinq années à la tête de la commune, elle annonce sa démission pour raisons de santé, évoquant un burn-out survenu en janvier. « J'ai pris la difficile décision de démissionner de mes fonctions de maire sous la pression de mon médecin et de mes proches », déclare-t-elle dans une vidéo Facebook. L'ex-maire dénonçait également « une violence politique insidieuse, un harcèlement moral et administratif initié par un parti de l'opposition et malheureusement aussi par quelques citoyens, qui se développent sur les réseaux sociaux ».
Le cas de Samy Benoudiz à Aigremont s'avère révélateur de la judiciarisation excessive de la vie municipale. Après 11 ans de mandat, il a démissionné en juillet dernier, évoquant un véritable acharnement judiciaire. « Depuis 2019, près de 20 procédures ont été lancées contre la commune devant le tribunal administratif, et 4 au pénal contre la personne du Maire », dénonçait-il dans son message aux Aigremontois. Il poursuivait : « Aucun projet, aucune mesure ne trouve grâce à leurs yeux. Tout sujet est prétexte à un recours gracieux, puis à un recours formel ».
L’attitude attentiste des élus contraste avec les attentes des citoyens yvelinois. Selon l'enquête du Cevipof, 58% des Français souhaitent que leur maire se représente et soit réélu, un taux stable par rapport à 2019. Dans les petites communes, ce pourcentage grimpe même à 64%, témoignant d'un attachement particulier aux élus de proximité.
Le département des Yvelines, traditionnellement ancré à droite, fait face à des enjeux particuliers. Sur les 69 communes de plus de 5 000 habitants, 44 sont dirigées par des élus de droite, 14 par le centre et seulement 9 par la gauche.
L'émergence de nouveaux mouvements politiques comme « Horizons » d'Édouard Philippe ou « Populaires ! « de Gérald Darmanin pourrait rebattre les cartes. En même temps que le vote massif de LFI dans les villes populaires lors des dernières législatives. Il ne faut pas non plus écarter les candidatures communautaristes.
Alors que la date limite de dépôt des candidatures approche - fixée au 26 février 2026 -, les Yvelines pourraient connaître un renouvellement important de leurs équipes municipales. Entre démissions anticipées et renoncements, les municipales de 2026 s'annoncent comme un véritable test pour la démocratie locale dans ce département francilien en mutation.