La société française Carmat, spécialisée dans le développement de cœurs artificiels, a annoncé ce lundi 30 juin sa déclaration de cessation des paiements et sa demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire auprès du Tribunal des Affaires Économiques de Versailles. Cette décision marque un tournant dramatique pour cette entreprise innovante basée dans les Yvelines, à Vélizy-Villacoublay, avec un site de production à Bois-d'Arcy.
Malgré ses efforts soutenus, Carmat n'a pas réussi à sécuriser les 3,5 millions d'euros nécessaires pour éviter la cessation des paiements avant la fin juin 2025. L'entreprise avait pourtant alerté dès le 20 juin sur sa situation financière critique, estimant ses besoins globaux à 35 millions d'euros sur 12 mois, dont environ 20 millions d'euros d'ici la fin décembre 2025.
Face à cette urgence, la société avait même lancé une campagne de dons en ligne, qui n'a malheureusement collecté que 19 470 euros. Cette initiative témoigne de la détresse financière de l'entreprise, qui emploie 180 collaborateurs entre ses deux sites yvelinois.
Créée en 2008, Carmat s'est imposée comme un pionnier dans le domaine des cœurs artificiels avec son dispositif Aeson, développé en collaboration avec le professeur Alain Carpentier. Ce cœur artificiel total se distingue par ses caractéristiques uniques : hémocompatibilité, pulsatilité et autorégulation, permettant d'imiter au plus près le fonctionnement d'un cœur humain.
Les résultats cliniques étaient encourageants : 122 patients ont été traités avec le cœur Aeson à ce jour. L'entreprise avait même célébré en février 2025 sa 100e implantation, réalisée simultanément dans les CHU de Lille et Dijon.
Le premier trimestre 2025 s'était révélé particulièrement dynamique avec 16 implantations réalisées dans trois pays (France, Allemagne, Italie), générant un chiffre d'affaires de 2,4 millions d'euros.
Malgré ces avancées, le parcours de Carmat a été semé d'embûches. L'entreprise avait notamment dû suspendre volontairement les implantations entre fin 2021 et octobre 2022 pour apporter des améliorations au dispositif suite à des dysfonctionnements ayant coûté la vie à deux patients. Ces incidents ont marqué un tournant dans la perception du marché vis-à-vis de la société.
Après 30 ans de recherche et 550 millions d'euros d'investissements, l'entreprise n'est pas parvenue à atteindre l'équilibre financier. Son action, qui valait autrefois 100 euros, ne cotait plus que 30 centimes avant sa suspension.
Dans l'attente de la décision du tribunal, « attendue dans les tout prochains jours », Carmat a demandé la suspension de son cours de Bourse. L'entreprise continue d'explorer toutes les options pour poursuivre ses activités, considérant que la procédure de redressement judiciaire constitue « le cadre le plus approprié pour faciliter cette poursuite ».
Selon les analystes de Portzamparc, deux options de financement semblent plausibles : le rachat par un industriel du secteur ou l'arrivée d'un partenaire financier robuste. Une intervention de l'État français n'est pas non plus à exclure, compte tenu du caractère stratégique de cette technologie, bien que cela paraisse peu probable au regard du passif avec la société.
Malgré cette situation critique, Carmat assure que « quelle que soit la décision du tribunal », elle « s'efforcera de continuer à assurer le support des patients qui bénéficient actuellement du cœur artificiel Aeson ». Cette promesse souligne la responsabilité particulière de l'entreprise envers les patients dont la vie dépend de cette technologie innovante.
La situation de Carmat illustre les défis considérables auxquels font face les entreprises de biotechnologie innovantes, particulièrement dans un environnement de financement dégradé pour les sociétés de sa catégorie. L'issue de cette procédure judiciaire déterminera l'avenir d'une technologie médicale française prometteuse et de ses 180 salariés yvelinois.