
L'affaire Landru reste l'une des plus sordides de l'histoire criminelle française. Entre 1914 et 1919, le tueur en série Henri Désiré Landru a sévi dans les Yvelines, transformant les villas tranquilles de Vernouillet et Gambais en scènes de crimes demeurés longtemps mystérieux. Retour sur ce dossier criminel qui a marqué la France.
Né le 12 avril 1869 à Paris, Henri Désiré Landru est d'abord un petit escroc parcourant les milieux parisiens. À partir de 1900, il enchaîne les condamnations pour divers délits : escroqueries au cautionnement, abus de confiance, faux contrats. Entre 1902 et 1914, il connaît plusieurs peines d'emprisonnement avant sa libération définitive. Son mode opératoire évolue : plutôt que de voler des entreprises, il cible désormais des femmes seules, veuves ou divorcées, via des annonces matrimoniales.
En 1914, Landru loue une villa à Vernouillet sous le pseudonyme de Monsieur Fremyet . Là, il perfectionne son système d'arnaque matrimoniale pour le transformer en meurtre organisé. Plusieurs annonces, affichant des messages comme « Monsieur sérieux, ayant petit capital, désire épouser veuve ou femme incomprise, entre 35 et 45 ans », attirent des victimes potentielles.
Les victimes de Vernouillet :
Ces disparitions mystérieuses alertent les familles, mais aucun indice concret n'émerge alors. Craignant une perquisition policière après un contrôle dans un train (il voyage avec un billet périmé), Landru abandonne précipitamment Vernouillet en août 1915.
Landru se réfugie alors dans une villa isolée à Gambais , baptisée « L'Ermitage ». C'est là qu'il intensifie ses meurtres, loin des regards des voisins. Sur quatre ans, sept femmes supplémentaires disparaîtront de cette maison .
Les victimes de Gambais :
Au total, Landru aura entretenu des contacts avec 283 femmes entre 1914 et 1919, utilisant plus de 90 pseudonymes différents.
Le schéma criminel de Landru était méthodique et calculé :
Pendant la Grande Guerre, alors que les hommes combattaient au front, ce système fonctionnait quasi sans entrave. Landru achetait des scies à métaux (indice retrouvé dans ses carnets) et voyageait de Paris à Gambais en train : billet aller-retour pour lui, aller simple pour chacune de ses « fiancées ».
C'est l' inspecteur Jules Belin qui finit par percer le secret de ces disparitions. Alerté par les familles inquiètes, il retrouve des objets appartenant aux femmes disparues dans un garage loué par Landru. La découverte décisive survient avec le carnet codé de Landru , véritable « journal des horreurs ». Ce carnet répertoriait chaque rencontre, chaque dépense — y comprenant l'achat des scies — et même les surnoms des victimes.
Arrêté le 12 avril 1919 rue Rochechouart en compagnie de sa dernière maîtresse, Landru est désormais confronté aux preuves accumulées par l'enquête.
Le procès s'ouvre le 7 novembre 1921 à la Cour d'assises de Seine-et-Oise à Versailles. C'est un événement national : le Tout-Paris s'y presse, dont les célébrités Maurice Chevalier, Mistinguett et l'écrivaine Colette , lieu couvrir l'affaire pour la presse.
Landru, accusé de 11 meurtres (10 femmes et 1 enfant), maintient le silence quasi total tout au long du procès. Il ne confesse jamais, ne s'explique jamais. Selon la légende, à son avocat qui lui demande au pied de l'échafaud s'il admet finalement ses crimes, il répondrait : « Cela, Maître, c'est mon petit bagage... »
Reconnu coupable le 30 novembre 1921 , Landru est condamné à mort.
Le 25 février 1922 à 6h10 , Henri Désiré Landru est guillotiné à Versailles par le bourreau Anatole Deibler . Au moment de la guillotine, pas d'aveu, pas de remords — juste le silence du criminel qui a emporté ses secrets.
L'affaire Landru reste célèbre pour plusieurs raisons : c'est le premier « tueur en série » français , c'est aussi un crime de guerre (perpétré alors que le pays était mobilisé), et c'est surtout une affaire où aucun corps n'a jamais été retrouvé intégralement — seuls des restes d'ossements et de la cendre ont été découverts.
Aujourd'hui, les archives complètes du dossier d'instruction sont conservées aux Archives départementales des Yvelines , avec photographies, pièces de procédure et caricatures de presse de l'époque.