Le 9 juin 1926 restera à jamais gravé dans la mémoire collective des Yvelines. En cette fin d'après-midi qui semblait ordinaire, une tornade d'une violence inouïe a déferlé sur plusieurs communes du département, transformant en quelques secondes un paysage paisible en zone de désolation.
Vers 18h45, après un orage qui ne laissait rien présager d'anormal, la nature a montré toute sa puissance destructrice. En l'espace de 15 secondes seulement, une tornade de forte intensité (EF3 selon l'échelle de Fujita) a balayé 12 kilomètres de territoire yvelinois sur une largeur moyenne de 300 mètres.
Les vents, estimés entre 220 et 270 km/h, ont traversé quatre communes : Houdan au fond d'Orval, Gressey au hameau de Brunel, Civry-la-Forêt au Buisson, et Mulcent. Le village de Gressey, situé près de Houdan, a particulièrement subi les assauts de ce phénomène météorologique exceptionnel.
Les témoignages de l'époque décrivent un spectacle apocalyptique. Les hangars agricoles ont été entièrement soulevés ou démolis, les toitures arrachées, certaines maisons solidement bâties effondrées ou éventrées. Des arbres feuillus ont été déracinés et d'autres brisés net.
Une voiture située dans un hangar fut enlevée et déplacée à plus de 100 mètres de distance. L'anecdote la plus saisissante concerne Léon Leroy, maire de Gressey, qui se trouvait sur le pas de son étable au moment du passage de la tornade. L'homme fut littéralement soulevé par le phénomène et transporté à 60 mètres de distance dans une prairie, au milieu des vaches.
Miraculeusement, aucune victime humaine ne fut à déplorer, fait que personne n'a jamais pu expliquer.
L'organisation des secours témoigne des moyens limités de l'époque. En 1926, il n'y avait pas de pompiers dans les communes rurales, le téléphone était rare et les lignes avaient été coupées par la tornade. C'est Léon Leroy qui, vers 19h30, envoya un automobiliste prévenir le sous-préfet et le commandant de gendarmerie à Mantes-la-Jolie.
À 23 heures, Auguste Goust, député-maire de Mantes-la-Jolie, accompagné du sous-préfet et du commandant de gendarmerie, arrivait sur les lieux du sinistre. Dès 3 heures du matin le 10 juin, une vingtaine de sapeurs du génie de Versailles déployaient leurs moyens : matériel de secours, équipements pour abattre les pans de murs menaçants et rétablissement des lignes électriques et téléphoniques en une demi-journée.
Comme le relate le maire de l'époque dans ses témoignages, les compagnies d'assurance n'ont pas indemnisé les victimes de cette catastrophe naturelle. Il faut rappeler qu'en 1926, le système d'assurance contre les catastrophes naturelles n'existait pas en France - il ne sera créé qu'en 1982 par la loi du 13 juillet.
Face à cette situation, c'est la solidarité des communes voisines et les souscriptions publiques qui ont permis aux paysans de Gressey et des alentours de panser leurs blessures et d'engranger leur récolte malgré la destruction de leur matériel agricole, préparé pour la moisson prochaine.
Cette tornade de Gressey reste aujourd'hui encore l'un des phénomènes météorologiques les plus violents répertoriés dans les Yvelines. Elle s'inscrit dans la liste des tornades historiques de France et témoigne de la vulnérabilité des territoires ruraux face aux caprices de la nature.