La commune de Triel-sur-Seine pleure la disparition de Robert Mallard, 96 ans, figure incontournable de la vie locale. L'homme à la carcasse massive et aux mains de géant qui cultivait l'art du vernis à bois pour bateaux comme d'autres entretiennent leurs coins à champignons vient d'amarrer sa barque pour la dernière fois.
Ancien adjoint au maire en charge des travaux, mémoire des traditions trielloises, il fut également pendant des décennies un compagnon de route infatigable du Ski Nautique Club de Triel-sur-Seine, où son engagement et son attachement au fleuve ont marqué plusieurs générations.
Robert Mallard a grandi rive gauche sur les bords de Seine, au chantier nautique familial qu'il avait quitté récemment pour prendre un repos bien mérité dans un établissement spécialisé de Verneuil-sur-Seine, à quelques encablures seulement de l'appartement de Paulette, son admirable épouse, maman de Patrick et Stéphane, ces deux fils aimés, qui lui rendait visite quotidiennement.
Le nom de Mallard est aussi indissociable de Triel-sur-Seine que celui d'Émile Zola qui y logeait la mère de ses enfants Jeanne Rozerot à Cheverchemont, du journaliste et homme de théâtre Octave Mirbeau ou de sa voisine et amie de la rive gauche Véronique Sanson avec laquelle, lui et son épouse Paulette entretenaient des liens si étroits qu'ils avaient étaient conviés au mariage de la chanteuse avec l'humoriste Pierre Palmade.
En 1896, ses grands-parents avaient créé le chantier naval Mallard, puis une buvette, qui évolua plus tard en restaurant avec terrasse. Robert reprit le flambeau après le décès de son père en 1957, jusqu'à la fermeture de l'établissement en 1974.
Cette maison familiale, en bord de Seine, fut le cadre d'innombrables rencontres et banquets. Darry Cowl, lors du tournage du film Le Remorqueur, comptait parmi ses illustres clients. Robert y accueillait également les jeunes générations qui venaient y apprendre à nager.
Témoin privilégié des grandes crues, notamment celles de 1945 et de 1995, Robert Mallard racontait souvent les anecdotes liées à ces événements, comme celle de son ami restaurateur Jean Levistre, Bouboul pour les intimes, alors patron du Coq au Vin, qu'il avait aidé en barque à sauver son réveillon lors d'une crue.
Son père, Albert Mallard, fut passeur de la Seine aux côtés de Hallavant et Colleoni. Ces hommes assuraient le transport quotidien des habitants et de leurs marchandises, et la famille Mallard resta longtemps identifiée à ce rôle de proximité et de service.
Avec Robert Mallard disparaît un témoin précieux d'un siècle de vie trielloise : des fêtes populaires aux grandes crues, des souvenirs familiaux aux engagements associatifs et municipaux. Ses récits, ses anecdotes et son dévouement resteront dans les mémoires comme autant de repères pour les habitants.
Si pendant l'été, la terrasse avec vue imprenable sur l'église Saint-Martin était prise d'assaut par des consommateurs locaux ou de passage, l'hiver venu, les fidèles parmi les fidèles se retrouvaient le vendredi soir au bar fermé pour des parties endiablées de 421 qui se prolongeaient parfois fort tard dans la soirée.
Des soirées animées par le patron qui reconnaissait dans chacun de ses consommateurs un ami ou un fils spirituel. Nombreux seront sans doute ces anciens de la terrasse comme ceux du bar liliputien à l'accompagner la semaine prochaine à sa dernière demeure.
Nous ne manquerons pas de vous indiquer la date et l'heure des obsèques du Roc de la rive-gauche dès qu'elles seront connues.